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Ce qui fait le centre de danse : le lieu

Le 27 mai 1991, la présidente de l’Association Cabriole fondée 4 ans plus tôt signe un bail pour un tout nouveau local situé dans l’entresol d’un immeuble bourgeois du centre-ville de Marseille : il est temps pour sa toute jeune professeur, membre fondatrice, de quitter le giron d’Anne-Marie Chovelon et du studio de danse de la rue Falque où entourée, conseillée et accompagnée, elle s’est lancée dans l’ascension de sa propre école de danse : à 22 ans, après avoir préalablement pris la succession de Syliva Alexander dans le petit studio de danse de la rue Madagascar, puis déménagé ses élèves dans le studio de la Cie Polyploplie - où elle vient de rencontrer le grand Jérôme Andrews - , il est temps de voler de ses propres ailes.

A ce stade, cet entresol du 171 de la rue Paradis n’est qu’un passage froid et austère historiquement lié aux célèbres Ets marseillais Noilly Prat qui y tenaient leurs entrepôts de bouteilles ; quant aux locaux eux-mêmes, encore fortement imprégnés de l’atmosphère d’une Académie de Billard aux persiennes closes, il s’en exhale des relents de cigare depuis de longs pans de moquette marron qui tapissent les 140 m2 de murs industriels de pied en cap sous l’éclairage viril d’une série de néons à chaîne descendant directement des plafonds.

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Aidée de la troupe d’étudiants en Arts qui l’entoure, soutenue par les activistes débrouillards de Cabriole, Marie-Christine Pons passe tout l’été 1991 à effacer les traces austères de ces précédents occupants : après de longs jours d’arrachage et de décroutage, quelques kilos d’enduit et de nombreux litres de peinture, les murs de l’ancien entrepôt affichent une blancheur virginale et une double série de barres scellées, et le hall d’accueil explose d’une lumineuse teinte mandarine spécialement conçue dans les locaux des Ets Jefco. Plusieurs allers-retours de piles de briquettes plus tard, un vestiaire principal et un vestiaire secondaire équipé d’une douche ont vu le jour. Les sanitaires sont entièrement rénovés. Enfin, sous la houlette d’un Compagnon charpentier, un précieux binôme d’artisans monte en une semaine, et sous l’œil stupéfait des voisins un parquet flottant à lambourdes dans la salle principale: d’une vingtaine de centimètres de débattement, entièrement désolidarisé des cloisons, assemblé au moyen de clous forgés à la main, l’ouvrage est d’une splendeur, d’une robustesse et d’un confort spectaculaire.

Le Centre de Danse est né.

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Sous l’impulsion de Marie-Christine Pons, le lieu trouve ses marques tout le long de la décennie 90 : à l’intérieur, à la souplesse du parquet se superpose le confort esthétique d’un tapis de danse ; deux séries de projecteurs halogènes illuminent la salle de danse, et la longueur entière du mur Ouest offre désormais aux danseurs une galerie de miroirs de 10 mètres de long. A l’extérieur, le couloir en L de l’entresol a été repeint et décoré de séries d’affiches cédées par le Ballet National ; des sols vinyles recouvrent le vieux béton et face à l’entrée, le célèbre 4x3m « Marseille Aime La Danse » (clin d’œil à Anne-Marie Chovelon) est parti pour orner spectaculairement le couloir durant un quart de siècle.

Les désormais célèbres « moquettes vache » ont fait leur apparition sur les murs des vestiaires.

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A l’image des différentes mutations de sa Grille d’Activité, le Centre de Danse ne cessera d’évoluer : d’embellissements en tumultes, il s’imposera contre vents et marées comme un point d’ancrage discret, mais incontournable, du paysage culturel foisonnant du secteur de Castellane ; exister en tant que centre chorégraphique ouvert aux publics au cœur même d’un immeuble bourgeois ne manquera pas de générer des tensions de voisinage – parfois lourdes –, heureusement contrebalancées par de très belles complicités : les vitupérants finiront tous par passer, au contraire de ces fratries entières de petits rats qui continueront, elles, au fil des années, de descendre des paliers d’escaliers au hasard des étages pour rejoindre l’entresol et y pratiquer la danse.

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Des premiers fauteuils « cinéma » dans le hall d’accueil – dont le souvenir sera ravivé par les deux imposants projecteurs de cinéma sur pied qui éclairent désormais le hall – à l’arrivée d’Internet, de la construction du vestiaire professeur à l’aménagement du couloir, de l’installation de la quadriphonie dans la salle à l’exposition des images géantes d’un atelier mené avec une photographe professionnelle, d’inondations en rénovations, le Centre de Danse vivra 1.000 vies entre les années 2000 et aujourd’hui sans se départir de cet équilibre précieux entre espace familial et atmosphère studieuse : le 171 rue Paradis respire tout à la fois l’esprit des premiers studios de danse aux odeurs de bois, de sueur et de colophane, et l’atmosphère, la luminosité et les infrastructures d’un lieu culturel ouvert sur la ville.

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